mardi 27 août 2013

Les évaporés

pour le bruit des livres
Thomas B. Reverdy, Les évaporés, éds Flammarion

Ma chronique :
Richard B. est un américain de San Francisco bourru et casanier qui exerce le métier détective privé mais aussi de poète. Séparé de Yukiko -la femme de ses rêves- depuis un an, il n'hésite pas à la suivre au Japon -pays qu'elle croyait avoir quitté définitivement- afin d'enquêter sur la disparition de son père Kazehiro devenu Kaze dans cette nouvelle vie qu'il tente de s'inventer. Lors des préparatifs qu'il effectue pour ce voyage dont il redoute la durée, Richard B. apprend que dans ce pays il est fréquent que les gens partent sans laisser ni trace ni adresse et "lorsque quelqu'un disparaît, on dit simplement qu'il s'est évaporé" et personne alors n'envisage de lancer des recherches. Mais ce n'est pas le cas de la femme du disparu ni de sa fille qui progressivement renoue avec ses racines.
Dans ce Japon d'après Fukushima, nous suivons les traces de Richard B., de Kaze, de Yokiko et d'Akainu jeune orphelin depuis le tsunami et sans domicile depuis qu'il assisté malencontreusement au règlement de compte orchestré par la mafia (les yakuzas) au cours du quel son protecteur est mort. Leurs différents parcours nous entraînent alors le Japon dans ses quartiers d'affaire et les succursales des grandes banques nationales mais aussi dans les quartiers pauvres et sordides auprès de marginaux et de désoeuvrés employés comme journaliers pour nettoyer voire dissimuler les traces de la catastrophe nucléaire.
Pour notre détective, l'affaire est peu commune et délicate dans ce pays pétri de principes et régi par des dogmes dictés tantôt par les yakuzas tantôt par des "shogun de l'ombre" ces hommes d'affaire ou politiques qui ayant "un pied dans plusieurs mondes" tirent les ficelles en coulisses.
C'est progressivement que le récit nous dévoile les raisons qui ont motivé "l'évaporation" de Kaze (trop curieux de connaître les raisons de son licenciement injustifié, il a découvert un trafic de blanchiment d'argent) et nous révèle les séquelles de ce Japon actuel.

Drame de l'après tsunami, de la condition des "nettoyeurs", de la corruption, de la fuite et du déracinement, Les évaporés c'est aussi un récit existentiel sur la quête de soi et la difficulté à connaître réellement les autres. Sa composition narrative permet au lecteur de suivre tour à tour chacun des protagonistes et de dévoiler plus précisément leurs motivations et leurs tentatives pour s'inventer une nouvelle vie. J'ai apprécié la variété des genres romanesques employés (Les évaporés c'est tour à tour une enquête policière, un roman sociologique, de la poésie ou une intrigue amoureuse) ou encore les changements de perspectives narratives mais la vraie bonne idée est bien évidemment la présence d'un personnage tel que Richard B. -double fictive de l'écrivain Richard Brautigan- qui amène du lyrisme et de la folie dans ce récit fort agréable à lire, bien rythmé et bien documenté mais somme toute assez classique. C'est lui qui apporte la touche d'originalité au récit, sans ce protagoniste nous aurions dans nos mains une énième fiction sur un pays qui continue d'intriguer et/ou de faire rêver. Le récit marche parce qu'il est lui-même étranger aux us-et-coutumes nippones. Cela devient alors plus facile et plus pertinent pour l'auteur de relever ce qu'il y a d'exceptionnel et d'étrange dans cette culture. C'est alors que le titre complet du roman Les évaporés un roman japonais prend tout son sens. Nous avons affaire moins à une intrigue policière qu'à une divagation et un hommage sur le Japon.

En résumé, c'est un livre sympa mais je n'en fais pas pour autant un coup de coeur de cette rentré.


L'auteur : 
Lauréat du Prix Valery Larbaud pour son troisième roman Les Derniers Feux (éds seuil, 2008), Thomas B. Reverdy est un romancier français né en 1974 dont l'oeuvre a été jusqu'à présent éditée au Seuil dont La montée des eaux (2003), Le ciel pour mémoire (2005) et Les derniers feux (2008) qui abordent les thèmes du deuil et de l'amitié. Mais il est aussi l'auteur de L'envers du monde, roman à la portée plus autobiographique dans le New-York post 11 septembre.

Et plus si affinités :
Un reportage sur le rôle des Yakuzas dans le "nettoyage" de la région de Fukushima ici.

3 commentaires :

  1. C'est sûrement grâce à Akainu que ce livre est passé dans mes coups de coeur. J'y ai trouvé de belles descriptions très émouvantes.

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    1. Bonjour et merci d'avoir pris le temps de me laisser autant de commentaires. Pour en revenir aux Evaporés, je trouve que c'est un roman sympathique qui se lit facilement et que je peux aisément conseiller. Mais pour autant il ne fait partie de mes coups de coeur.

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