lundi 28 mars 2016

Question de géométrie


Léa Arthemise, Question de géométrie, éds Liana Levi

Mon coup de coeur :
Bonnie, Alain et Adel -les trois protagonistes de ce court roman- représentent trois destins et trois milieux socio-économiques et trois territoires topographiques différents. Ils se sont rencontrées sur les bancs du lycée avant de se retrouver plus tard emportés par une séries de mauvaises décisions et de circonstance malheureuses.
Par désoeuvrement et esprit de fanfaronnade, les garçons décident un jour de braquer une station service: ce sera le fiasco total. Alain ayant blessé le gérant, ils doivent fuir avec l'aide de Bonnie. Pendant leur cavale, Alain se fait pincer bêtement lors d'un sortie nocturne pour un mars qu'il ne peut se payer (pour 20 centimes manquants). Sans nouvelles de lui, ses deux complices trouvent refuge loin de la région parisienne, dans un village breton. Il y séjournent quelques temps ignorant les complications judiciaires vécues par leur copain.
Sept ans après ces événements, Bonnie est revenue auprès des siens et est devenue une mère de famille rangée, Alain séjourne en prison et Adel est mort. Cette mère de famille que nous voyons désormais vivre une existence bien rangée dans une banlieue résidentielle a pourtant été amie et complice (plus ou moins involontaire) de deux braqueurs gentillement branquignols qui finalement me sont davantage sympathiques que la jeune femme.
La principale force du livre est de peindre avec justesse et fugacité l'adolescence : cet âge fait d'incertitudes et de bravoures. Mais ce court roman regorge aussi de petites trouvailles: l'une d'elles c'est d'avoir circonscrit ses personnages dans des lieux topographiques particuliers (3 voix, 3 destins, 3 zones géographiques qui s'entrecroisent jusqu'à la "collision" puis la séparation nécessaire) en faisant d'une ville de banlieue un terrain de jeu et de (re)construction individuelle et sociale; quant à l'autre est d'avoir penser ces destins en terme de formes géométriques -le ton légèrement décalé pour dire l'errance géographique et morale permettant alors d'arrondir la ligne de ces destins accidentés .


En une petite centaine de pages, l'auteur entrecroise le parcours de trois amis de lycée sept ans après qu'ils aient été impliqués (officiellement ou non) dans un braquage ayant fait un blessé.
L'auteur confronte alors le présent et le passé proche des trois personnages, trois visions et souvenirs d'un même fait divers mais aussi trois espaces topographiques et socio-économiques différents.
Question de géométrie traite de manière originale cette parenthèse essentielle qu'est l'adolescence, période durant laquelle chacun des personnages est a la recherche de repères et de limites à franchir. Avec ce court récit, l'auteur évite les écueils du genre pour nous proposer un roman d'apprentissage polyphonique où les voix s'enrichissent mutuellement et dans lequel chacun des parcours est non seulement ancré géographiquement mais est aussi pensé et représenté géométriquement ... Rarement la banlieue (et les formes géométriques qu'elle peut prendre) a été aussi judicieusement, subtilement et originalement traitée en littérature. Au-delà du sujet classique du roman d'apprentissage, Question de géométrie se distingue par son ton et ses trouvailles littéraires. Léa Arthemise est une romancière pleine de promesses !


L'auteur :
Léa Arthemise est née en 1987 en banlieue parisienne. Elle a conçu ce roman d'abord dans une version anglaise dans le cadre du Festival America avent de le réécrire et le publier en français. Il s'agit de son deuxième roman après La Flémingyte aigüe (éds Kyklos, 2011) et le premeir paru aux éds Liana Levi.


Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire